[Rencontre] Mohamed Mbougar Sarr : prix Goncourt 2021
- Kinsley David
- 18 nov. 2022
- 3 min de lecture
C’est avant tout un immense privilège de rencontrer un auteur de renommée internationale, d’autant plus si celui-ci est nul autre que le récipiendaire du Prix Goncourt 2021, une des plus prestigieuses récompenses littéraires du monde francophone. Ma rencontre avec Mohamed Mbougar Sarr fut brève mais suffisante pour apprécier son humilité et sa simplicité.
D’origine sénégalaise, Mohamed Mbougar Sarr a été recompensé pour son chef d’œuvre littéraire, La Plus Secrète Mémoire des Hommes, paru aux éditions Philippe Rey. L’auteur était l'invité d'honneur du Festival du Livre de Trou-d'eau-douce qui a eu lieu du 7 au 9 octobre.

C’est la première fois que le plus prestigieux prix littéraire français est décerné à un écrivain subsaharien. Mohamed Mbougar Sarr est auteur de romans mais aussi de tribunes pour « Jeune Afrique ». À l'âge de 31 ans, il entre dans la cour des grands. Il a précédemment reçu le prix Stéphane Hessel pour sa nouvelle La cale (2014), puis le prix Ahmadou Kourouma et le Grand Prix du Roman métis (2015) pour son premier roman Terre Ceinte (Présence africaine). Silence du chœur (Présence africaine) avait été distingué par le Prix littéraire de la Porte dorée en 2018.

Il a également écrit De purs hommes, chez Philippe Rey, récipiendaire du French Voices Award."Je suis évidemment très heureux et très honoré. En me décernant ce prix, l'académie Goncourt envoie un signal très fort à beaucoup de gens. D'abord au milieu littéraire français, évidemment, mais aussi à tous les milieux littéraires de l'espace francophone, et je pense que c'est important de le dire. Je n'ignore pas les questions politiques qu'il peut y avoir derrière une récompense semblable et je remercie vraiment le jury d'avoir eu ce geste là, ce n'est pas un geste de faveur mais un geste littéraire", explique ce dernier.
Un hymne à la littérature
Dans son œuvre Mohamed Mbougar Sarr navigue entre narration classique, récit fantastique, critique littéraire, extrait de journal intime et roman épistolaire. Bien que les changements de narrateurs soudains surprennent, l’auteur ne nous perd jamais dans son labyrinthe narratif. Il ose même à plusieurs reprises s’adresser indirectement au lecteur pour amplifier la puissance de son récit. Parfois crue mais jamais vulgaire, truffée de références au passé, historique et littéraire, l’écriture est résolument moderne. Alors que le jeune écrivain glisse ci et là quelques réflexions satyriques sur notre époque, il ne la méprise jamais, évitant un larmoyant et facile passéisme.

Un avant-goût
En 2018, Diégane Latyr Faye, jeune écrivain sénégalais, découvre à Paris un livre mythique, paru en 1938 : Le Labyrinthe de l’inhumain. On a perdu la trace de son auteur, qualifié en son temps de Rimbaud nègre, depuis le scandale que déclencha la parution de son texte. Diégane s’engage alors, fasciné, sur la piste du mystérieux T. C. Elimane, où il affronte les grandes tragédies que sont le colonialisme ou la Shoah. Du Sénégal à la France en passant par l’Argentine, quelle vérité l’attend au centre de ce labyrinthe ? Sans jamais perdre le fil de cette quête qui l’accapare, Diégane, à Paris, fréquente un groupe de jeunes auteurs africains : tous s’observent, discutent, boivent, font beaucoup l’amour, et s’interrogent sur la nécessité de la création à partir de l’exil. Il va surtout s’attacher à deux femmes : la sulfureuse Siga, détentrice de secrets, et la fugace photojournaliste Aïda… D’une perpétuelle inventivité, La plus secrète mémoire des hommes est un roman étourdissant, dominé par l’exigence du choix entre l’écriture et la vie, ou encore par le désir de dépasser la question du face-à-face entre Afrique et Occident. Il est surtout un chant d’amour à la littérature et à son pouvoir intemporel.
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